Depuis Outlaws en 2020, la flûte de Ludivine Issambourg n’est pas redescendue en température. Comment aurait-elle pu, elle qui, avec cet album de reprises d’Hubert Laws, avait été portée à l’incandescence ? Encore haletante, brûlante malgré le couvercle de son étui resté grand ouvert, elle attendait de pouvoir donner une suite à ces aventures que le maître Laws avait en personne saluées.
Une suite ? Above The Laws n’en est pas tout à fait une.
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Même si son nom se lit encore, Hubert L. n’est désormais plus l’unique guide pour explorer l’immensité des galaxies jazz-funk. Au travers de reprises mais surtout en adjuvant de ses propres compositions, c’est l’esprit et la présence impalpable de Jeremy Steig, Ronald Sneijder ou encore Bobby Humphrey que Ludivine a convoqués. Les légendes de la flûte. Feuille de route balisée par un groove dont on ne s’échappe pas, cadran musical réglé sur la fin des années 70 et le début des 80, c’est pour aller encore plus haut dans ses explorations que Ludivine s’est allouée, cette fois, les services d’une section cuivre, véritable réacteur pour propulsion funk, pouvant aussi passer à un souffle soul si le moment l’exige. En soutien des claviers, c’est un Moog qui se positionne pour appliquer ses nappes grasses ou ses tortillements.
Flûtes utilisées comme d’autant de manettes destinées à stabiliser le vol ou, au contraire, à le faire filer encore plus rapidement sur les mesures, la version alto, que jusqu’alors Ludivine utilisait peu, qui vient apporter la nécessaire note de velours quand il s’agit de s’embarquer vers des destinations plus smooth. Accélérant le tempo pour faire lever les passagers de leurs sièges comme si un danger les guettait ; apaisant l’ambiance pour les mettre dans un cocon rassurant où ils laisseront divaguer idées et esprits, les improvisations trouvent leur place dans les partitions suivies depuis le hublot. Détaché de la gravité, et pourtant encore tellement en phase avec l’ambiance de villes que les radars signalent comme autant de points chauds de la scène jazz actuelle, c’est l’odeur de ces rues dont Above The Laws aurait rasé l’asphalte qui s’imprègne sur certains titres.
Commandé depuis la tour de réalisation par Eric Legnini, Chassol, Alex Finkin et Michaël Lecoq, Above The Laws bénéficie dans sa course de quelques haltes où s’établissent de précieuses connexions. Nils Landgren et son trombone aux couleurs du drapeau Suédois, Laurent De Wilde pour une course-poursuite entre flûte et Fender Rhodes, le saxophone de Céline Bonacina pour une embardée afrobeat.
Mais c’est aux confins d’un voyage où l’intensité organique n’a cessé de s’affirmer sans perte de puissance, que Ludivine est entrée en connexion avec Brian Jackson pour une reprise d’Angel Dust. Titre ramené de l’époque où lui et son binôme Gil Scott-Heron gravaient des chef-d’œuvres soul. Sur l’un d’eux, jouait un flûtiste répondant au nom de Hubert Laws.
Le point de départ des dernières explorations jazz-funk de Ludivine devient aussi le point d’arrivée. Installée en altitude par les dix titres d’Above The Laws, Ludivine Issambourg referme une boucle dans laquelle elle aura installé sa flûte et ses virevoltes dans un rôle de leader incontestable. S’ouvrant les portes d’orchestrations ambitieuses, d’horizons inexplorés, inscrivant en filigrane de ses compositions les expériences, les lieux, et les rencontres qui l’ont construite.