“Soul Créole !”. Deux mots suffisent à David Walters pour qualifier sa musique. Le point d’exclamation servant à appuyer la radicalité et la foi en son propos.
Une définition lapidaire derrière les portes de laquelle se cache le dédale d’une culture qui traverse les océans, relie continents et archipel par un fil invisible mais néanmoins puissant. Un trait d’union profondément ancré qui permet à Afrique, Amérique, Europe et Caraïbes de converser entre eux avec une langue aussi universelle que la musique, la danse, les carnavals ou les cérémonies exutoires.
Eparpillées sur le globe, les différentes cultures créoles, trouvent pourtant un point de convergence où elles sont toutes représentées : New York.
Dans cette ville où, sur un coup de tête motivé par son ami photographe JR, il a un jour donné un concert en pleine rue, David Walters a décidé de poser le décor de son nouvel album.
Après cinq ans à parcourir le monde pour les Nouveaux Explorateurs de Canal +, à emmagasiner les rencontres musicales, c’est autour de cette ville hyperactive qu’il a choisi de faire briller son Soleil Kréyol. D’imprégner sa musique de l’état d’esprit et de l’esthétique qui y régnaient dans les années 70 et 80.
Quand les communautés ont commencé à se regarder pour finir par se mélanger. Quand chacun a traversé la rue pour échanger avec l’autre. Un métissage qui s’est aussi propagé dans le bouillonnement culturel qui agitait une ville où cohabitaient la furie punk et l’hédonisme disco. Où, dans un Bronx aux murs et trains annexés par le graffiti, la graine hip hop commençait à germer au son du funk furieux des ghetto blasters et des blocks parties.
Les studios d’enregistrement débordant d’audace autant que les rues d’exilés débarqués de partout, fracturant leurs racines pour tenter leur chance à New York. Caribéen anglophone, musicien, danseur de claquettes et cuisinier, le grand-père de David était de ceux là.
Dans cette ébullition permanente, colorée des toiles Basquiat et de Warhol, le Soleil Kréyol darde ses rayons musicaux. Irradie les tunnels du métro, se fraye un chemin sur les trottoirs surchargés, s’insère dans le ballets des taxis jaunes. Part explorer funk, soul, et kompa. Chaloupe sur des langueurs africaines, sursaute sur la puissance des basses reggae-dub, suit en cadence un marching band coloré P. Funk.
Et, parce que le voyage c’est aussi le partage, David Walters a invité les cordes du violoncelle de Vincent Segalsurle morceau titre,le cuivre de la trompette d’Ibrahim Maalouf sur Palé, la voix engagée de Seun Kuti, pour bâtir Bweldo, un pont entre les Antilles et l’Afrique.
Alors qu’en 2018 il avait assuré en solo la réalisation et la production de Nola Is Calling (un album enregistré à la Nouvelle Orleans avec la communauté créole des Black Indians, sélectionné par Gilles Peterson dans les best of 2019 sur BBC 6), c’est cette fois avec le renfort essentiel du mastermind musical Bruno Patchworks Hovart (Mr President, Voilààà Sound System, Da Break…) que David a réalisé Soleil Kréyol.
Plus qu’un partenaire musical, Patchworks s’est révélé être le metteur en son que David recherchait. La deuxième partie d’un binôme idéal, celui avec lequel, calés sur les mêmes fréquences, il a écrit, composé, enregistré, joué tous les instruments. Pensé tous les arrangements, peaufiné les détails comme portés par un souffle continu. Ou plutôt une lumière. Le Soleil Kréyol.