Avant-gardiste, percussionniste, chanteur, auteur, compositeur, trompettiste autodidacte, depuis la fin des années 70 et la formation Gwakasonné, Edmony Krater est une référence de la musique antillaise.
Discret et néanmoins actif c’est en 2015 qu’il s’est à nouveau retrouvé dans la lumière, quand Heavenly Sweetness a réédité Ti Jan Pou Velo, son album enregistré en 1988 avec son groupe Zepiss. Un disque devenu rare et possédé seulement par quelques collectionneurs avisés. Après An Ka Sonjé (2018), il revient avec J’ai Traversé La Mer.
Bien longtemps avant Edmony Krater, ils sont des centaines de milliers à avoir traversé la mer. Arrachés à l’Afrique, pris dans la logique violente et absurde du commerce triangulaire, ils ont été disséminés de force en Amérique, dans les Caraïbes ou en Europe, créant de fait une diaspora noire. Les siècles passant, leurs descendants sont devenus écrivains, poètes, dirigeants, sportifs, musiciens.
Quand, ailleurs dans le monde, ils créaient le blues, le reggae, le jazz, la soul, le funk, c’est au son du tambour gwoka qu’en Guadeloupe d’autres forgeaient leur identité musicale. Sous ses martèlements cadencés qu’ils rythmaient les fêtes, portaient leurs revendications, exprimaient leurs colères.
Indissociable de la culture Guadeloupéenne, Edmony Krater a fait du gwoka le socle de J’ai Traversé La Mer. En le rappelant à l’une de ses fonctions ancestrales, celle de communiquer, il a transformé la puissante percussion en aimant rythmique sur lequel toutes les musiques qui l’ont façonné et inspiré dans son parcours de musicien sont venues s’agglutiner et s’agréger.
En les entremêlant les unes aux autres Edmony a défini une vision moderne et contemporaine du gwoka, loin de toute folklorisation mais strictement fidèle à l’identité guadeloupéenne. Une identité qu’il fait voyager dans des notes de jazz cuivrées ou les boucles séquencées d’une boîte à rythmes. Passer des circuits imprimés d’un synthétiseur aux cordes pures d’un piano. Le gwoka en filigrane plus ou moins affirmé mais toujours présent, contenu dans les rails pour assurer la colonne vertébrale d’un morceau, compagnon de jeu avec lequel les musiciens organisent de folles courses de solistes sur lesquelles il abat ses orages percussifs. Une identité au militantisme affirmé, qui se rappelle au tumulte politico-social d’une île dont les trésors naturels meurent sous les nuisances chimiques. Qui se remémore le passé et en fait un moteur pour aller de l’avant, plutôt qu’un éternel sujet de rancoeur. Réunissant autour de lui deux générations de musiciens* (les percussions de Roger Raspail, la batterie de Sonny Troupé, la basse de Julian Babou et celle de Live I, les claviers de Jonathan Jurion), Edmony Krater assure ce rôle de transmission qui habite la musique gwoka depuis toujours.