Comment Guts, producteur solitaire qui, depuis ses années Alliance Ethnik, ne recourait que très occasionnellement à des aides musicales extérieures, est-il devenu leader d’un live band au moment de plancher sur son nouvel album ?
Pour le comprendre, il convient de rembobiner les deux dernières années de sa vie et remonter à Hip Hop After All, son précédent album, ainsi qu’à la tournée du même nom.
C’est dans ce contexte de kilomètres avalés en France et Europe, d’heures passées sur scène mais aussi dans les vans, les avions et les backstages, qu’est venue à Guts l’idée d’un album qui prolongerait l’énergie et la cohésion nées durant ce périple. Un album qui mettrait en commun les forces créatrices de chacun. Un album où l’on ne parle- rait plus que d’une seule voix : celle d’un groupe.
Les claviers de Florian Pellissier, la guitare de Greg F., la trompette et le micro de Leron Thomas, ceux de Von Pea, Don Will et Lorine Chia, la basse de Kenny Ruby, et, plus tard, la batterie de Tibo Brandalise sont alors happés dans ce projet où chacun devient une pièce maîtresse d’un puz- zle musical. Une construction débutée par des maquettes parfois sommaires que d’intenses sessions de studio fini- ront de mettre en forme, de peaufiner, voire de pousser vers des territoires qu’elles ne pensaient jamais atteindre. Ne pas se poser de limite devient la seule et unique règle applica- ble à tous, à commencer par Guts lui même qui inverse les proportions 20% live, 80% samples et machines qui, jusqu’alors, balisaient sa route musicale.
Funk, Soul, Rap, Musiques Cubaine, africaine ou Russe : ces styles qui ne communiquaient entre eux que par le biais d’agents infiltrés sous formes de d’échantillons de quelques secondes dans des rythmiques cadencées, se trouvent dés- ormais brassés par un groupe opérant avec de vrais instru- ments. Avec des claviers qui peuvent quitter leur confort acoustique pour se ruer sur l’électricité et avec des guitares in- cisant les rythmiques avec précision. Avec une trompette sa- chant compter sur le renfort d’un saxo et d’un trombone pour constituer une imposante ligne de cuivres Avec des micros uti- lisés pour caresser avec précaution comme pour kicker dans les règles. Avec une basse qui peut ronronner dans l’arrière mix comme faire onduler toute la partition telle une meneuse de revue. Avec une batterie qui sur simple demande passera de la position martelage à celle des roulements groovy.
Tous allant dans le même sens pour porter un album où les genres musicaux se croisent dans des mélanges hybrides ou s’affichent distinctement dans leur tenue d’origine. Le jazz exalté côtoie des ambiances de cordes japonisantes, le rock spatial contemple depuis la stratosphère le hip hop pur pre- mium et ses beats carrés, l’électro funk vient tester l’afro sur la piste de danse pendant que, sur l’écran géant, s’affron- tent cuivres de western urbain et synthés post-apocalyp- tiques qui feraient vibrer la moustache de John Carpenter.
Dense, riche et éclectique, ETERNAL s’affirme avant tout comme un disque ambitieux. Un album affranchi des contraintes de forme ou de durée, où chaque titre est une nou- velle porte qui s’ouvre sur un univers différent du précédent.
How did Guts, a go-it-alone producer who had only rarely called on other musicians for help since his time with Alliance Ethnik, become the frontman of a live band as he started work on his new album? To understand how this came about, we need to rewind through the last two years of his life to his previous album, Hip Hop After All, and the tour of the same name.
As his tour ate up the miles around France and Europe, spending many hours on stage, in vans, on planes and backstage, Guts came up with the idea of channelling the energy and unity forged by the tour into a recording, an album that would pool the creative talents of the different musicians, an album with a single voice – the band’s.
Florian Pellissier’s keyboards, Greg F.’s guitar, Leron Thomas’s trumpet and mike, the voices of Von Pea, Don Will and Lorine Chia, Kenny Ruby’s bass and later Tibo Brandalise’s drums all flowed into a project where each was a key piece of a musical jigsaw puzzle. The foundations were some fairly simple outlines that were then refined during intense studio sessions – refined, honed and pushed into territory they never imagined they would explore. The only rule was that there were no limits for anyone, starting with Guts himself, who decided to reverse the proportions of 20% live and 80% samples and machines that had defined his musical path up to that point.
Funk, soul, rap, Cuban, African and Russian sounds – styles that had previously mixed only as five-second samples, infiltrated into the beats and rhythms, were now stirred and shaken by a band playing real instruments. Keyboards were allowed to wander from their acoustic comfort zone and become charged with electricity, and guitars produced precise, incisive rhythms. A trumpet could count on back-up from a sax and a trombone to form an imposing array of brass; mikes cautiously caress as well as kicking out at the rules; a bass purrs in the background or sends a ripple through the whole score like a lead dancer; at a nod, drums go from pounding out a beat to rolling a groove.
Everyone pulls in the same direction to create an album where musical styles form criss-crossing hybrid blends or else strike sumptuous poses in their original guise. Wild jazz appears side by side with Japanese-sounding strings, spacy rock gazes down from the stratosphere at pure premium hip hop and its dominant beats, electro funk slugs it out with afro on the dancefloor, while urban Western brass throws down the gauntlet to post-apocalyptic synthesizers that would set John Carpenter’s moustache aquiver.
Dense, rich and eclectic, ETERNAL is above all an ambitious record, an album with no restrictions on form or length, every track a door into a different universe from the one before.